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42 Banking and finance banques et finance Nommé secrétaire d’Etat à la Justice par le S.A.S. le Prince Albert II, Samuel Vuelta-Simon a pris ses fonctions le 16 septembre dernier. Ancien procureur de la République à Toulouse (France), il dispose d’une grande expertise notamment dans le domaine de la lutte contre la délinquance économique et financière. Il explique comment la Principauté redouble d’efforts pour atteindre les meilleurs standards internationaux. Rencontre. Quelles sont vos premières impressions sur la situation globale du pays en matière de lutte contre le blanchiment ? D’abord, le constat d’un travail considérable qui a été fait en mettant en place une batterie de solutions adaptées. Jamais le système de production législative monégasque, chaîne continue entre le Gouvernement Princier et le Conseil National, n’a produit autant de textes essentiels et en si peu de temps : une dizaine de lois importantes et de très nombreuses autres modifiées, entre décembre 2022 et juin 2024. Bien que ne faisant pas partie du Gouvernement Princier, ma direction travaille quotidiennement et en confiance, avec les services du ministre d’Etat et tous les départements ministériels, sur l’ensemble des projets. Car la dynamique continue, tant il est vrai que le droit positif monégasque méritait une mise à jour, au regard des nouvelles exigences, à la fois de la communauté internationale mais aussi de l’évolution de la criminalité dans le monde. de 2013, il a pu y avoir un relâchement dans l’effort, alors même que les flux financiers augmentent de façon exponentielle et que les organisations criminelles et les fraudeurs recherchent les meilleures manières d’échapper aux organes de surveillance des Etats et que le droit international et des Etats-membres du Conseil de l’Europe n’a cessé d’évoluer. Y a-t-il davantage de dossiers de blanchiment en justice aujourd’hui ? Bien sûr, il ne s’agit pas de condamner sans comportement fautif. Mais on doit plus contrôler et vérifier dans le cadre d’enquêtes administratives ou judiciaires. C’est déjà le cas à Monaco pour la justice monégasque où, sur les 1 600 plaintes et procès-verbaux qui sont arrivés au parquet général en 2024, 80 étaient relatifs à des faits complexes de blanchiment ou de délinquance économique et financière. Ce qui représente environ 5% des affaires. Des enquêtes sont donc en cours et des condamnations sont déjà intervenues.
Comment expliquez que le Groupe d’Action financière (GAFI) juge Monaco insuffisamment transparent alors que la compliance s’applique depuis de nombreuses années déjà ? Tout d’abord c’est le prisme de l’évaluation internationale qui a changé. Le regard des membres du Conseil de l’Europe a pointé du doigt les insuffisances du dispositif monégasque de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Le dernier rapport d’évaluation du système monégasque par Moneyval [N.D.L.R. : comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment au sein du Conseil de l’Europe] en 2022 n’a donc pas été bon. Alors même que cette évaluation avait été jugée plus conforme lors du quatrième cycle d’évaluation en 2013. Si le jeu des listes n’entraîne pas d’effet juridique immédiat pour les pays qui y sont classés, il vient bien sûr ternir l’image mais, au-delà, il baisse le degré de confiance de la communauté internationale. Un pays qui est jugé insuffisamment transparent dans ses activités économiques et financières est un pays auquel on accordera moins de confiance pour y développer des activités ou placer ses capitaux. Car la confiance est au cœur de tout. C’est elle qui régule la consommation, les marchés, les bourses de valeurs et l’emploi dans le monde. C’est cette même confiance qui est entamée lorsqu’il existe une réserve sur la conformité d’un pays avec les standards internationaux. Les conséquences peuvent d’ailleurs se ressentir à chaque fois qu’une activité économique ou un flux financier interagit avec un pays étranger. Ainsi, les transactions commerciales seront plus taxées, les frais rehaussés, certaines transactions refusées, etc. Comment expliquer une forme de défiance quand Monaco s’emploie à atteindre les meilleurs standards internationaux ? Un changement de focale qui amène la communauté internationale à être, neuf ans après, beaucoup plus exigeante en évaluant les pays non seulement sur leur conformité, mais sur l’efficacité de leurs dispositifs internes. En outre, il a été considéré que Monaco présentait un risque sérieux en termes de blanchiment et que les chiffres des poursuites et des condamnations n’étaient pas à la hauteur de ce risque. Ensuite, mon intuition est que les modèles économiques et sociaux apaisés et prospères font oublier les dangers. Inconsciemment, depuis l’évaluation
La compliance des établissements financiers a-t-elle été récemment renforcée ? Incontestablement en ce qui concerne la conformité. Et le dernier rapport de suivi de Moneyval de décembre dernier en atteste, en considérant que parmi les 16 recommandations qui avaient été faites, 15 ont été satisfaites. Je crois que la grande majorité des acteurs économiques et financiers est aujourd’hui consciente des enjeux et de la nécessité de continuer ce changement bénéfique et travaillent pour cela. Le secteur financier et bancaire a mis en place des systèmes appropriés et est parfaitement informé des efforts qui doivent être poursuivis.
« Parmi les 16 recommandations qui avaient été faites par Moneyval, 15 ont été satisfaites »
Mais les banques ne sont pas les seules concernées par les risques de délinquance économique. La conformité des établissements financiers a bien été renforcée et ce mouvement se poursuit avec les autres secteurs de l’économie et du commerce qui le justifient. En effet, d’autres secteurs, en raison de leur taille, sont moins favorisés parce que moins outillés pour le faire. Je pense particulièrement aux secteurs comme le yachting, la joaillerie, le commerce de véhicules haut de gamme, etc. Je comprends qu’il soit parfois difficile de soumettre une clientèle aisée à des tracasseries pour connaître l’origine des fonds qui sont utilisés pour l’achat d’un bien de valeur. Mais je sais aussi que la grande majorité des clients le comprend et s’y prête aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, c’est aussi l’un des efforts à poursuivre dans ces secteurs et le gouvernement y travaille là aussi activement, en lien avec les professions concernées pour renforcer la détection des comportements suspects et les procédures devant être mise en place. Quels efforts restent à faire ? L’action se prolonge aussi pour se donner les moyens d’être plus efficaces dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Plus efficaces dans la prévention, dans la détection, dans les enquêtes et dans la répression
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