Monte-Carlo Inspiration

I ls sont deux et c’est comme s’ils ne faisaient qu’un. Pierino Borgogno, 92 ans, et son successeur Gennaro Iorio, 56 ans, sont les gardiens des caves de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo. A eux deux, plus de 70 ans d’histoire se sont écrit, jour après jour, dans les rangées bien alignées des quelque 300 000 flacons stockés à 10 mètres sous terre. Ils se sont connus en 1987 et ont travaillé main dans la main jusqu’au départ à la retraite de Pierino en 1992. « Il nous a été confié un patrimoine extraordinaire. Nous l’avons protégé et avons tenté d’ajouter notre pierre ». Gennaro Iorio a consacré trente-sept ans de sa carrière dans les 1 500 m 2 d’allées souterraines des plus grandes caves hôtelières du monde. Il aime y accueillir Pierino Borgogno, « celui qui [lui] a tout appris ».

de Vintimille, après quelques années à faire le berger, à cultiver la terre et à presser l’huile d’olive, les caves ont été la chance de ma vie. J’ai fait une première saison à laver les bouteilles. Et je suis resté trente-six ans… J’ai appris en travaillant ». Quand Gennaro a rejoint Pierino, la transmission s’est faite naturellement. « J’avais la curiosité, lui m’a donné la passion. » En 1992, à l’heure de la succession, l’objectif premier était clair : « Respecter tout ce qu’avaient fait les anciens. » Mais il a fallu également évoluer… « L’arrivée d’Alain Ducasse en 1987 a été un tremblement de terre. A l’époque, la gastronomie française était en ébullition. Le chef de cuisine visait un objectif précis et il a impliqué tout le monde dans son projet. Il a nommé un chef sommelier qui a agi comme une locomotive. » Une valeur inestimable Gennaro Iorio est gardien d’un trésor inestimable. « Pareilles caves, cela n’a pas de prix. L’important est la mise en valeur du travail du vigneron. Ce qui fait l’éblouissement de tous, c’est la rareté. Il n’y a rien de plus précieux. Là est le luxe. » Et le luxe des caves, c’est une collection toujours plus grande de vins d’exception. ■

Une partie de l’histoire de Monaco s’écrit depuis 1874 dans les caves de l’Hôtel de Paris Monte-Carlo. Nombre d’illustres personnalités y ont fait quelques détours, poussées par la curiosité d’une visite où le temps se mesure par les années indiquées sur les étiquettes des grands crus. « Parfois, le prince Rainier III et la princesse Grace venaient dîner dans le caveau, quelquefois accompagnés de leurs enfants, explique Pierino Borgogno. Je me rappelle du prince Albert qui aimait gambader dans les allées. » Ces soirées d’élégance contrastaient avec la rudesse du travail quotidien. « On recevait les barriques que l’on devait descendre à la cave. Et puis il fallait attendre qu’il fasse beau pour que le vin ne bouge pas lors de la mise en bouteille. Les patrons des vignobles nous donnaient les bouchons, les capsules et les étiquettes. C’était très dur. » La recherche des meilleurs crus Mais le labeur était récompensé. « J’ai toujours été très heureux ici. Nous cherchions toujours à récupérer les plus belles bouteilles. Les fûts de vieux cognac était formidables. Chaque année, des dégustations étaient organisées. C’était magnifique. Pour moi qui ai été à l’école de Mussolini près

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heritage patrimoine

Les caves murées aux Allemands, le vin servi à Churchill

« Te rappelles-tu de Monsieur Etienne Brigasco ? » , interroge le nonagénaire. « Lui aussi a passé sa vie dans les caves. Il était un père pour nous tous. C’est lui qui a muré une partie de la galerie pour empêcher les Allemands de siffler les bouteilles. Après, il était fier de servir Churchill ! »

A treasure that has been preserved for 80 years: this Château Mouton Rothschild, a numbered bottle that celebrates the victory of 1945. Un trésor conservé depuis 80 ans : ce Château Mouton Rothschild, bouteille numérotée qui célèbre la victoire de 1945.

Each bay houses precious vintages often resting for decades. Chaque travée abrite des crus précieux qui reposent durant des décennies.

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